Works Poetry

2025






They say

Let yourself dream

They say

It's for your girlfriend

This ring is for your girlfriend

Believing I have a girlfriend

They say I know

Believing they know

Especially believing they know everything

Believing they know about everything

They say nature

Believing they dominate it

They say death

Believing they dominate it

I always take the train

To let myself dream, they say

Because it's a tunnel

Where the landscape passes by

Words are a landscape

They are some accelerator

Ils disent

Laissez-vous rêver

Ils disent

C’est pour ta chérie

Cette bague c’est pour ta chérie

Croyant que j’ai une chérie

Ils disent je sais

Croyant savoir

Surtout croyant tout savoir

Croyant savoir sur tout

Ils disent nature

Croyant la dominer

Ils disent mort

Croyant la dominer

Toujours je prends le train

Pour me laisser rêver disent-ils

Parce que c’est un tunnel

Ou le paysage défile

Les mots sont un paysage

C’est un accélérateur

2025

Longing

L’ongle de mon index droit s’est habitué au tactile de l’écran d’une caisse au Carrefour. En même temps qu’il se remplit d’encre noire. Comme les serpents étirent la langue, mesurent avec leur corps allongé, la distance qui leur faut pour engloutir leur proie.


J’ai appris à écrire comme si. En faisant semblant. En recopiant des phrases. Des bouts de mots. J’ai écrit des poèmes. J’ai appris à me convaincre que je suis gay d’ivresse. J’ai appris à me convaincre que je suis gay de honte.


Pour t’en envoyer tous les jours. J’écris des poèmes pour tous les jours. Pour anticiper le jour où j’oublie pourquoi j’écris. Pour anticiper le jour où j’oubliais d’écrire. Ce jour où j’oubliais de comprendre ma voix. Me rassurer qu’il est mieux d’inverser. Me souvenir que je regardais le sol et j’inversais le sol. Je regardais le ciel et j’inversais le ciel. La peur. Ce mot que j’ai trouvé pour remplacer l’angoisse. Ma peur s’inversait et la peur m’inversait. Jamais je ne parviendrai à contenir toutes les images du monde dans un seul poème. J’en reste à cette conclusion. Je voudrais tellement être mystérieux. Pourtant j’aime tant parler. Il y’a tant de choses à dire. J’ai tant de choses à te dire. Des occasions manquées. J’ai oublié de t’aimer.

Parmi toutes les images possibles, j’aime bien celle du trousseau. Parce qu’elle contient toutes les clés du monde. Des clés qui ouvrent des portes. L’écriture c’est pour moi un nombre infini de portes ouvertes. C’est remplacer une voix qui fait défaut. J’ai appris à écrire comme si. J’ai appris à écrire comme. J’ai appris à t’écrire, j’ai appris à t’aimer. J’aime l’image des clés de trousseau qui disparaissent. Un peu comme les vêtements ressurgissent, d’après le départ des enfants d’une colonie de vacances.

Il y’a quelques jours un glaçon s’est formé à l’intérieur du frigo dans ma cuisine. Mes colocs et moi l’avons enlevé à coup de couteau. Il est tombé de la paroi comme un bloc dans ma cuisine.
J’ai appris à ne plus perdre mes clés.
Y a-t-il une heure dans la vie où l’on prend conscience de ce qu’il ne reste plus à vivre ?
Y’a t’il une heure dans la vie ou l’on apprend à ne plus.
Voilà ce que ta mort me fait. Voilà ce que ta mort m'a fait. Voilà ce que j’ai appris à faire depuis ta mort.
Les vivants défigurent toujours la mémoire des morts.

Si un jour j’avais imaginé que tu m’inspires autant…

Je me pose des questions sur ce que tu deviens.
Où tu es.
Où es-tu ?

Tu te poses, pareil, des questions sur ce que je deviens.

Alors, les réponses à nos questions.

2024

Je rentre en conflit avec mon propre téléphone portable. Mon clavier nie le genre en tant qu'autodétermination. Quand je pose la question "Où sont-iels?" mon clavier me le tape dans le rouge. Ce nom même est emporté, perd sa forme admissible et dit sa vérité. Iels sont une erreur.

Plus de place au genre en tant qu'autodétermination. Elle et lui comme seules formes d'incorporation.

Iels iels

2023

















































The heatwave is like a high fever.
Tonight, in the middle of August,
as I water the plants,
the leaves look at me almost weeping.
Beaten by the heat,
they are limp,
and their heads strangely resemble human forms.
Their faces are drooping.
Seeing them so weary is like hearing them whimper and gasp for breath.

Je suis plein. J’existe et j’exige de la profondeur, du vide et du plein dans les choses, de la matière, de la perspective. Je me pose des questions sur la matière que tu deviens. Je suis tourmenté quand je pense que tu n’es pas là.

Et, pire encore, il m’arrive de penser que c’est parce que tu n’es plus là que j’existe davantage.

Tu me parles de la réalité mais je me demande si l’air que je respire est le même que celui que tu respires. Je pense que tu respires un autre air. Je n’arrive pas à savoir si l’eau qui te mouille provoque la même sensation chez toi que chez moi. Je voudrais savoir quelle sensation te procure le soleil qui frappe. Et ce qu’entraîne la sueur sur ton dos ? Et la sensation de l’eau de mer sur ta peau ? De mes lèvres sur ton corps ? Quand je marche, je continue à croire que tu respires un autre air. Que tu bois l’eau d’une autre mer. Que tu voyages sur d’autres terres. Que les perles de sueur sur ta peau gouttent autre part. Que tu parles une autre langue que je ne comprends pas. Je finis par remarquer que tu t’adresses à moi autrement. Je finis par comprendre que l’eau de mer, la sueur sur ton corps, les perles qui goutent, le soleil qui frappe atteignent chacun de nous deux. Toi comme moi dans des formes différentes. Les gouttes, l’eau de mer, les courses du soleil, les perles, les fleurs, les odeurs d’été ont chacune leur personnalité. Et leur langage me touche dans mille autres variations que toi. Ce sont ces infinies danses qui me font sentir vivant. Ce sont plusieurs fréquences qui donnent le poids du monde. Tu me parles de la réalité mais je continue de croire qu’il y’a des réalités. Ce sont ces réalités qui me font croire autrement.

(24/12/2023)

La canicule est comme une grosse fièvre. Ce soir, en plein mois d’août, quand j’arrose les plantes, les feuilles me regardent presque en pleurant. Abattues par la chaleur, elles sont molles et leurs têtes ressemblent étrangement aux formes humaines. Leurs visages tirent vers le bas. Les voir aussi lasses c’est les entendre geindre et s’essouffler.

Les jours d’août sont souvent presque vides. L’été fut décousu, les journées envolées. J’ai laissé mes larmes lors d’un trajet en train. Est-ce que je souffre moins ? Quand je lis sur un tee-shirt « Accueillez la HD », je me dis que le temps passe, certes, mais qu’il est déjà passé. Bizarrement, ça me rassure.

Que dit-on aux enfants quand ils pleurent ?

J’ai redouté ta réaction quand je t’annoncerai que je suis pédé. Je me rappelle que je ne cherchais d’ailleurs pas à te l’annoncer comme ça. Je préférais dire que j’aime les hommes. Parce qu’à 23 ans, j’avais quand même envie de déjouer le stigmate. J’avais le souci de finesse pour me distinguer de la tendance universelle au coming-out. Je redoutais te l’annoncer, je préférais dire le silence, la honte. La honte Le fait de dire Et que j’ai le droit

Plus grande chose que j’ai dans ma vie procrastinée.

Les chiens sourient bien mieux que les humains Ton sourire qui est le mien.

C’est le silence de la honte. Et ça fait une vie refoulée. Le retard qu’un jour dans sa vie tout homme gay connaît, la seule différence. Une vie de dizaine d’année de honte. Je me rappelle ce jour où je t’en ai parlé. J’ai le souvenir encore une fois d’un jour d’été. Faut-il qu’il fasse toujours chaud, nos corps transpirants et les mains moites, quand on traverse ces choses-là ?

Je redoute vraiment l’été désormais.

L’eau qui leur faut vient s’ajouter

Aux larmes qui manquent.

2023

CHIEN .

Un bout de rate
en moins
Je me sens chien,
prêt à courir sur cette colline.
Rebelle
adolescent.