2025 Longing
L’ongle de mon index droit s’est habitué au tactile de l’écran d’une casse au Carrefour. En même temps qu’il se remplit d’encre noire Comme les serpents étirent la langue, mesurent avec leur corps allongé, la distance qui leur faut pour engloutir leur proie.
J’ai appris à écrire comme si. En faisant semblant. En recopiant des phrases. Des bouts de mots. J’ai écrit des poèmes. J’ai appris à me convaincre que je suis gay d’ivresse. J’ai appris à me convaincre que je suis gay de honte.
Pour t’en envoyer tous les jours. J’écris des poèmes pour tous les jours. Pour anticiper le jour où j’oublie pourquoi j’écris. Pour anticiper le jour où j’oubliais d’écrire. Ce jour où j’oubliais de comprendre ma voix. Me rassurer qu’il est mieux d’inverser Me souvenir que je regardais le sol et j’inversais le sol Je regardais le ciel et j’inversais le ciel La peur. Ce mot que j’ai trouvé pour remplacer l’angoisse. Ma peur s’inversait et la peur m’inversait Jamais je ne parviendrai à contenir toutes les images du monde dans un seul poème. J’en reste à cette conclusion. Je voudrais tellement être mystérieux. Pourtant j’aime tant parler. Il y’a tant de choses à dire. J’ai tant de choses à te dire. Des occasions manquées. J’ai oublié de t’aimer.
Parmi toutes les images possibles, j’aime bien celle du trousseau. Parce qu’elle contient toutes les clés du monde. Des clés qui ouvrent des portes. L’écriture c’est pour moi un nombre infini de portes ouvertes. C’est remplacer une voix qui fait défaut. J’ai appris à écrire comme si. J’ai appris à écrire comme. J’ai appris à t’écrire, j’ai appris à t’aimer. J’aime l’image des clés de trousseau qui disparaissent. Un peu comme les vêtements ressurgissent, d’après le départ des enfants d’une colonie de vacances.
Il y’a quelques jours un glaçon s’est formé à l’intérieur du frigo dans ma cuisine. Mes colocs et moi l’avons enlevé à coup de couteau. Il est tombé de la paroi comme un bloc dans ma cuisine.
J’ai appris à ne plus perdre mes clés. Y a-t-il une heure dans la vie où l’on prend conscience de ce qu’il ne reste plus à vivre ? Y’a t’il une heure dans la vie ou l’on apprend à ne plus
Voilà ce que ta mort me fait. Voilà ce que ta mort me fait. Voilà ce que j’ai appris à faire depuis ta mort. Les vivants des figures toujours la mémoire des morts. Papa. Si un jour j’avais imaginé que tu m’inspire autant… Je me pose des questions sur ce que tu deviens. Où tu es. Où es-tu ? Tu te poses, pareil, des questions sur ce que je deviens. Moi. Je suis plein. J’existe et j’exige de la profondeur dans les choses. Du vide et du plein. De la matière. De la perspective. Je me pose des questions sur la matière que tu deviens. Je suis tourmenté quand je pense que tu n’es plus là. Et pire encore, parfois, il m’arrive de penser que c’est parce que tu n’es plus là que j’existe davantage. Alors, les réponses à nos questions.
2024 Ma vie procrastinée, mémoire de fin d'études en Art, 13x21 cm
MA VIE PROCRASTINÉE ou l’enjeu d’un aller-retour entre une prose pour vivre et vivre pour écrire. Ce travail rend compte d’un ensemble de gestes multipliés où les mots ouvrent des portes. Ce sont les phrases des romans sans histoires faits de textes et de poèmes. C’est l’espace de chroniques qui défendent mon positionnement quant à ma manière de faire de la poésie et projeter celle-ci au présent. Les sujets abordés sont ceux de la poésie contemporaine, de l’action concrète, de la contrainte liée à ma formation d’architecte et de ma position en tant que jeune gay dans une société démocratique toute relative. L’ensemble de mon propos cherche à rapprocher des notions parfois trop distinctes, à déconstruire un paradigme vers une émancipation du genre à la fois me concernant et, littéraire, celui de la prose.




2023 L'oeuf des sentiments, deuxième d'un projet sériel de recueil de poèmes, 13x21 cm
Ce deuxième recueil suit le projet sériel de publication de recueils chaque année. Celui-ci s’est construit durant tout l’été 2023 au soleil et prend sa source à la lumière en position repliée, le dos qui s’ouvre vers l’avant d’où éclôt l’oeuf des sentiments. Une métaphore de la renaissance et de l’accomplissement personnel à travers des poèmes présentés dans une forme courte, proche du haïku japonais. Un voeu. Une pierre aux nuances proches de l’arc-en-ciel. La force et la puissance des mots qui s’ouvrent à moi derrière mes yeux, sur les parois du crâne par tâches de couleurs.




2022 Rencontre d'un corps absent, retour d'une rencontre auprès du duo d'artistes mountaincutters, 12x21 cm
Cette micro-édition revient sur ma rencontre avec les moutaincutters. Ce duo d’artistes sculpteur.rices déploient des installations à l’aspect transitoire. Formée en 2012, cette entité anonyme et plurielle articule une recherche sur l’archéologie des formes et sur la spatialité des corps en interaction avec leurs environnements. Les répétitions, les déplacements d’objets et les variations de matières au sein de leurs installations semblent répondre à une organisation paradoxale -abstraite et matérialisée- qui nous dépasse. Retour sur la rencontre d’un corps absent.

